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Une limace sous les projecteurs

Chapitre 3

3

Premières traces dans la maison d’un pap illon 

« Que c’est beau ! C’est élégant, spacieux, la décoration subtile, tout en couleur… Magnifique ! »

C’est ce que je m’étais dit durant les premières heures de découverte de mon nouveau logis. Je m’efforçais alors de secréter le moins de bave possible mais il y a un moment où l’on ne peut pas retenir la nature plus longtemps… Et puis ce n’est pas comme si un peu de mucus sur le sol allait déranger un papillon, ils ont de grandes et belles ailes colorées faites pour voler… Alors pourquoi rester au sol ? De plus, on aurait presque pu croire que c’était parce que le parquet avait été ciré par des abeilles… J’ai bien dit presque.

Saviez-vous que notre mucus nous sert, certes à lubrifier le sol et glisser comme sur une planche à savon (en bien moins rapide, évidement) mais également à nous protéger du soleil ? Eh bien moi, je l’ai appris à mes frais durant ces quelques premières heures de supplice. Tout d’abord, se retenir de sécréter du mucus pour nous, gastéropode, reviens à se retenir de respirer… Pas très agréable n’est-ce pas ? De plus, tous mes gestes devaient être calculés, ce qui ralentissait fort la cadence déjà pas très rythmée. Je savais que si je me tortillais dans ma position préférée ( celle dont je me servais, enfant, pour dévaler une feuille en mille-temps dix mouvements), ce serait la catastrophe ! Mon réservoir si soigneusement limité durant ces quelques heures, se serait déversé en une immense flaque jaunâtre et visqueuse sur le sol. Je me suis donc abstenue de toute position fantaisiste et suis allée me prélasser sur le balcon avant d’aller me coucher. Au début, je n’ai rien remarqué mais au bout de quelques minutes, une odeur de pneu fondu fit tressaillir une de mes antennes odorat. Redoutant une nouvelle forme de pesticide ou de répulsifs anti-limace, je rentrai à la hâte à l’intérieur et attendis le retour de Ninon. Au moment où elle déposa ses pattes gracieuses sur le seuil, elle ouvrit de grands yeux ronds puis me demanda ce que j’avais fait en son absence (en langage animal car, je le redis une dernière fois, à mon plus grand regret, je n’ai pas d’oreilles !). Alors que je me mettais à lui conter mon escapade avec les escargots, elle m’interrompit pour me préciser qu’elle parlait de son absence des deux dernières heures. Je n’appréciais pas sa façon étrangement soudaine de me reluquer des antennes au mucus et le lui fit remarquer. Elle me dit alors de la suivre dans la salle de bain. Une fois plantée devant le grand miroir, ce que je vis me retourna l’estomac. Mon doux teint blanchâtre s’était changé, en l’espace de dix minutes, en un rouge tomate trop mûre. Il était légèrement violacé à la pointe de mes tentacules et autour de mes yeux ! Je n’arrivais pas à le croire ! Je m’étais pris un coup de soleil, moi, Ali Mace ! De toute l’histoire des gastéropodes, j’étais surement la première… voire même celle des crustacés-mollusques car cela m’étonnerait fort qu’une moule ou qu’un calamar attrape un coup de soleil. C’était donc moi qui sentais le caoutchouc cramé… Et c’est à ce moment-là que j’ai compris de 1) que ma bave servait de crème solaire, et de 2) que pour un animal de mon genre ce n’était non négligeable ! Surtout quand, au moment de m’allonger et de ronfler comme un ours, je ne pus, pour la première fois de mon existence, fermer l’œil.

 

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